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Prise d’otage au MK2 : c’est la faute au P2P...

Scène étrange ce soir au MK2 Quai de Seine. Avant-Première mondiale de Wallace et Gromit. Une excellente occasion pour les screeners d’entrer en action...

Caméra dernier cri à vision nocturne, les pirates de l’image se mettent en action. Une petite lumière rouge de la caméra apparaît discrètement. L’homme est là, tout près de nous. Car c’est d’un homme dont il s’agit, jeune, forcément. Il ne paie pas de mine. Costume sombre, style Hugo Boss, rasé de près, tout ce qu’il y a de propre sur lui. De quoi faire rêver toute belle mère dont la fille aurait épousé un fan de cinéma expérimental.

Qui pourrait se douter qu’il s’agit là d’un "pirate", de cette vermine qui hante nos chères salles de cinéma pour ruiner la création cinématographique.

Toutes les mesures de sécurité avaient pourtant été prises : un petit mot discret au niveau du premier contrôle : "gardez vos billets, il va y avoir un second contrôle".

Quelques escaliers plus bas, un hall. Lumière crue et blafarde. Quelques pop-corns, l’inévitable Coca-Cola Maxi et une bonne dizaine de barbouzes -nous apprendrons plus tard qu’il s’agit des GI de l’United International Pictures. Fouille en règle, mobiles confisqués et pourtant ... une caméra a réussi à échapper à tant de vigilance et de zèle. Celle de notre pirate bon genre qui, en toute impunité continue à filmer.

Le problème avec les pirates, c’est qu’ils ne sont pas toujours très futés. Ils font parfois des choses étranges qui vont à l’encontre du bon sens. Et là, le screener fait une chose vraiment incroyable : situé à côté de l’écran, il filme la salle.

N’écoutant que notre sens civique et appels à la délation dont nous sommes abreuvés, nous demandons à voir le directeur flambant neuf du MK2 flambant neuf du "camarade" Karmtiz pour dénoncer ce pirate. Ce n’est tout de même pas parce qu’il se trompe de scène qu’il a le droit de filmer ! Et d’ailleurs, si nous sommes, nous et nos enfants, les acteurs d’un film, il est légitime que nous demandions des royalties. Nous ne nous étions même pas poudrés le nez pour la circonstance !

Malaise...

Personne ne semble s’inquiéter de cet intrus et de cette petite lumière rouge obsédante qui nous gâchent une soirée en famille. Est-ce à dire que cette petite LEDD rouge est la même que celle qui fait l’identité de ce tout nouveau cinéma dont l’éclairage, réalisé par Jacques Bobroff, vise à éviter "la pollution visuelle" ?

"Les médias exagèrent toujours et les pirates ne sont pas si idiots, nous sommes-nous dit. S’il a installé la caméra dans notre sens, c’est que le spectacle va se passer là. Pas sur l’écran, mais au beau milieu de toutes ces charmantes têtes blondes qui, insouciantes regardent Wallace métamorphosé en lapin-garou géant (ça c’est pour la chute) dévorer les melons de Lady Totty." (Qu’on ne s’inquiète cependant pas trop : Gromit sauvera Wallace grâce à un morceau de fromage ...)

Et ces barbouzes qui ne bronchent toujours pas ! La salle reste plongée dans l’obscurité et, contre toute attente, ne se transforme pas en champ de bataille. A quand une Tempête du Désert sur le canal de l’Ourcq ?

Cela voudrait-il dire que j’ai le droit de filmer dans une salle de cinéma à condition de ne pas diriger la caméra vers l’écran ? Et le son alors ? Il l’enregistre bien le son.

Indignation légitime.

"Messieurs en noirs, il faut faire votre travail, appeler Bruce Willis ou à défaut le RAID pour qu’il fasse comme avec le Syndicat des Travailleurs Corses, comme avec les sans-papiers ou les squatteurs. Mettre le feu à la salle et faire intervenir les hélicoptères !". Là, il y en aurait eût du spectacle ! Les enfants auraient été contents et auraient pu raconter cette aventure gromitienne à leur prof gréviste et satisfait d’avoir été entendu par le Premier Ministre, jeudi matin.

Nous, nous n’attendions que ça et il faut dire que le pirate tapi dans l’ombre, planqué derrière sa petite lumière rouge, lui aussi n’attendait que ça.

Quels idiots nous sommes tout de même : "Il est avec nous !", nous ont répondu hilares les GI.

C’est à ce moment que nous avons compris que quelque chose d’important se tramait, au moment où le directeur a commencé à regarder à terre et a lancé quelques explications évasives et embarrassées. Un truc vraiment grave. Plus grave encore qu’une simple atteinte caractérisée à notre droit à l’image ou qu’une fouille musclée à la limite de la légalité.

Nous étions tous pris en otage et les premiers otages de cette descente de GI des studios américains, style Men In Black version Redux, étaient les exploitants de la salle eux-mêmes.

La Tour Infernale et le Parrain en live, version Rose Pourpre du Caire.

Pas de GIGN, pas de RAID, pas le grand banditisme, pas même une petite patrouille de la BAC de quartier pour neutraliser une opération de racket orchestrée tout en douceur, sans que personne ne s’en aperçoive. Voilà donc qui sont les vrais pirates ! Les parrains de la distribution qui marquent leur territoire, qui terrorisent les exploitants de salles en les menaçant de les couper de leur filière de bonne came (blockbusters). Soleils verts de l’industrie culturelle.

Accroc à sa came et boosté par le Syndrome de Stockholm, -nouvelle molécule révolutionnaire prise en intraveineuse- le directeur d’exploitation de MK2 explique les yeux exorbités tel un junky : " Le prêt payant qui a transformé les bibliothèques publiques en Vidéo Futur, c’était moi ! Et le rapport du CNC qui prouve, chiffres à l’appui, qu’il y a 3 millions de téléchargeurs en France, soit autant que dans le monde entier, c’était aussi moi ! Alors vous ne me la ferez pas les petits gars. Nous sommes tous coupables, vous qui payez votre ticket d’entrée et moi qui suis un petit dealer de bas étage. Prenez vous aussi votre pilule du bonheur, profitez du spectacle et de cette chance inespérée de pouvoir assister à la sortie du dernier produit financier à la mode : l’avant-première de Wallace et Gromit . La vie est belle ... dans L’île du prisonnier."

Car le spectacle était ce soir-là bel et bien dans la salle : celui de la mise en scène, dans la plus grande tradition hollywoodienne, de la rareté d'un produit artificiellement créée par une débauche d’acteurs, de figurants aux mines patibulaires et d’effets speciaux : vigiles, caméras, ... Le Titanic prend l’eau de toute part.

Finalement le jeu est piégé pour tout le monde et le deal est simple : "je te laisse ouvrir ta boutique et tu prends ma came. Si tu veux Wallace et Gromit, va falloir que t’achète aussi ma came coupée et frélatée made in USA (les output deal package comme on dit dans le milieu du cinéma). C’est mauvais, mais ça fait tourner la baraque".

"Pour te convaincre que je ne plaisante pas, je t’envoie mes hommes de main, des Centaures, des vrais, de ceux à qui on ne la fait pas : ils surveillent toute la filière, depuis les studios jusqu’à ta petite boutique de province. Tu reste tranquille, tu ne dis rien et si des spectateurs ont la mauvaise idée de poser des mauvaises questions, on dira que c’est de la faute au P2P même si l’on sait tous -mais ça reste entre nous- que les plus gros téléchargeurs sont les spectateurs les plus assidus".

Parfum de fin d’un monde : Wagner en voix off, hélicoptères au loin. Apocalypse Now vs. Les 400 coups. Wallace et Gromit entourés de leur bodyguard musclés prennent chacun une route différente, chacun dans un fourgon blindé différent pour aller dormir une dizaine de jours encore dans un coffre de banque.

Qui les libèrera ?

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